Prendre ses jambes à son cou
Sauvée
par le gong ! C'était un tout cas ma première réaction mais j'avais
vite réalisé ce qui se passait. Des combats étaient imminents, il y
aurait des morts dont peut-être mon frère. Ce devait être une punition
pour m'être servi de cette situation. En moins de cinq minutes toute
l'école était rassemblée dans la salle d'audio-visuel qui bizarrement
était très moderne et disposait des meilleures technologies. Nous n'y
allons jamais à part pour les Hunger Games et encore ça n'arrivait pas
souvent que des combats importants surviennent lors des cours,
généralement c'était le soir ou lors des jours de repos. Mais ce n'était
pas important, ce qui importait c'est que je pouvais voir mourir Neïko
d'une minute à l'autre. Je m'assis sur un des sièges en velours de la
sale, j'étais entre Adam et Alicia, je n'osais en regarder aucun. De
toute façon, j'avais les yeux rivés sur l'écran géant.
L'image
apparut, Caesar nous présenta la situation. C'était exactement ce que je
craignais, la situation concernait la bande des carrières et celle des
veinards dont faisait parti Neïko mais aussi la fille du Neuf. Elle
s'appelait Natacha, ce nom me disait quelque chose.
- Hey Nyala, c'est la fille dont la bande de ton frère parlait l'autre nuit, dit un garçon.
Oui,
il avait raison, cette fille faisait parti de l'alliance. Je regardais
le garçon qui m'avait informé mais je me rendis compte que pratiquement
tout le monde me fixait. J'avais envie de disparaître dans mon siège.
Heureusement pour moi un Pacificateur présent dans la salle ordonna aux
élèves de regarder l'écran. Je me sentais mieux sans tous ces regards
sur moi, je pouvais me concentrer sur mon frère sans subir le poids des
yeux des autres.
Les tributs de carrières avançaient en direction
de Natacha tout comme Neïko et ses alliés, ils étaient tous à moins de
800 mètres de distance mais ils étaient également en plein milieu de
collines de chacune cinq mètre de hauteur... Les carrières courraient
dans tous les sens de façon désorganisée alors que les autres marchaient
sans faire de bruit et en surveillant bien les alentours. Ils étaient
vraiment si proches, mes mains tremblaient d'angoisse. Soudain il y eu
un zoom sur le groupe de Neïko, Mirna venait de tomber et se rattrapant
sur le pied de la colline, elle l'avait traversé ! Dans la salle
quelques hoquets surpris vinrent s'ajouter à ceux des tributs. Ce qui
n'avait pas manqué de faire réagir les carrières et la fille du Neuf.
Les carrières courraient dans la direction des cris tandis que la fille
allait dans le sens inverse. La bande des veinards était plantée devant
la colline où se tenait quelques secondes plus tôt Mirna. Soudain une
main apparût directement à travers le gazon de la colline pour happer
Neïko.
Ma gorge se serra et inévitablement tout le monde me regarda
une fois de plus. Il ne restait donc plus que Lulmila et Tristan au pied
de la colline. Tristan palpa l'herbe du bloc de terre, sa main
s'enfonça dans le gazon. Il regarda Lulmila qui lui fit signe d'avancer,
les carrières se rapprochaient. Le tribut du Trois fit à son tours
avalé par la colline puis Lulmila s'aventura également dans la verdure.
L'écran devint pratiquement noir on ne voyait presque rien, quatre
silhouettes se distinguaient dans la pénombre.
- C'est un tunnel à
travers les collines, dit la voix enthousiasme de Mirna. On peut se
cacher et traverser toute la zone sans être vu.
- Comment tu as deviné tout ça ? demanda Tristan légèrement sceptique.
- Je n'en suis pas sûre mais ça me paraît plutôt évident. Et puis regarde un peu, on voit bien que le tunnel continue plus loin.
- Justement je ne vois pas vraiment ce...
- Chut, interrompit Neïko, écoutez. Ce sont les autres tributs.
Il
avait raison, les carrières étaient juste devant l'entrée mais ils ne
la voyaient pas et c'était peu probable qu'ils la trouvent. Ces enfants
avaient encore eu une sacrée chance, il devait y avoir une chance infime
pour que Mirna tombe pile à l'endroit de l'entrée du tunnel. Mais ils
avaient eu cette chance. Les carrières eux, ne comprenaient absolument
rien.
- On a fait tout le tour de cette fichue colline mais il n'y
a personne, ils sont passés où ces abrutis ? bougonna Norman, le garçon
du Quatre.
Pour faire bonne figure suite à sa déclaration, il mit
un grand coup de pied, à quelques centimètres à peine de l'entrée, qui
souleva un morceau de terre.
- Eh calme toi Norman, ils ne doivent pas être bien loin, temporisa Carat la tribut du Un.
En
effet ils n'étaient pas bien loin, Natacha non plus d'ailleurs. Elle
qui avait couru en entendant les cris de surprises, avait tout bêtement
fait le tour d'une colline et était revenue sans le savoir sur ses
traces. La pauvre, elle était complétement perdue et paniquée. Sans le
contexte, j'aurais sans doute souris un petit peu. C'était vraiment
pathétique et dire qu'elle devait rejoindre mon frère. Celui-là était
toujours avec les autres dans le tunnel, ils ne bougeaient pas et ne
faisaient aucun bruit. Natacha se rapprochait encore un peu plus des
neuf tributs, les carrières pouvaient entendre son souffle bruyant et
irrégulier. Le groupe de carrières se regarda pendant quelques secondes
puis Enobaria, Carat et Norman firent le tour de la colline pour prendre
le tribut à revers. Maniel s'avança vers les cris tandis que Gladio
restait en retrait. Maniel brandit sa lourde épée, prêt à accueillir la
malheureuse Natacha. Tout ce dont à quoi je pensais, c'était que les
carrières allaient être déçus de voir arriver une frêle petite fille.
J'eus aussi une pensée pour la bande des veinards qui ne savait pas ce
qu'il se passait, cette fille bien que faible était tout de même leur
alliée.
Toute la salle appréhendait le choc, je me faisait des
scénarios dans ma tête. Mais aucun ne se réalisa. Natacha apparut tout
simplement devant Maniel et avant qu'elle puisse faire quoi que ce soit
celui-ci donna un léger coup d'épée qui toucha la gorge de la fillette
du bout de sa pointe comme s'il chassait un moustique. Le cou de Natacha
cracha une gerbe de sang puis son corps s'affaissa et enfin le canon
retentit. Tout ça en moins de cinq secondes, j'étais... choquée. Il
avait tué cette fille comme si c'était quelque chose d'habituel et de
complètement naturel. J'avais porté mes mains à mon cou, je sentais ma
trachée, j'avais peur qu'elle cède.
Les enfants cachés dans la
colline avait compris ce qu'il s'était passé. Je ne savais pas comment
mais ils avaient compris. Mirna était en train de mordre sa main pour ne
pas partir en sanglots, les trois autres avaient un visage de marbre.
Ils s'étaient préparés à subir ce moment, alors ils subissaient et ce
sera comme ça jusqu'au prochain mort.
- Cette petite conne a tâché ma veste, grogna Maniel, en plus elle n'a rien d'intéressant sur elle.
- Que veux-tu ? Mauvaise journée, ajouta Gladio avec un sourire amusé aux lèvres.
Non,
vraiment aucun respect. Ça me révoltais ! Et dire que je jugeais cette
fille pathétique et faible il y a quelques secondes, elle valait mille
fois mieux que ces deux abrutis. Mirna avait la main en sang à force de
se mordre mais elle ne faisait toujours aucun bruit, des larmes
coulaient de ses yeux.
- On ne va pas s'éterniser ici, en plus il
faut que l'hovercraft prenne son corps, dit Enobaria qui venait de
revenir avec Carrat et Norman.
- On aurait pu s'éviter de faire le tour, franchement pour ça, ajouta Carrat en touchant le cadavre de Natacha du bout du pied.
- Complètement d'accord, bon on se tire ? s'impatienta Norman.
- C'est parti ! scandèrent tous les autres en chœur comme s'ils étaient en colonie de vacances.
- Les salauds, souffla une fille dans la salle.
Il
y eut un lourd silence pendant lequel on voyait les enfants cachés dans
la colline attendre que la voie soit libre. C'est à ce moment précis
que Caesar Flickerman décida qu'il était tant de mettre son grain de
sel.
-Eh bien, je pense que tout se qu'il faut tirer de cette histoire c'est que la bande des veinards a toujours une chance inouïe.
C'était tout ce qu'il avait retenu ?
- Maintenant il ne reste plus que douze tributs dans l'arène, l'étau se resserre sur nos candidats.
D'accord.
Je décidais ne ne plus penser à la morale exclusivement Capitolienne
pour me concentrer sur la bande des veinards qui avait tant de chance.
Je vis l'hovercraft prendre le corps de Natacha, je pensais à sa
famille, elle avait peut-être un frère ou une sœur. Je les imaginais en
sanglots, tomber à terre sous le poids de la souffrance. Cela me noua la
gorge, car bientôt ce sera peut-être mon tour.
- Ils ont du
reprendre le corps de Nat', alors maintenant nous allons sortir de là,
puis essayer de mémoriser les lieux pour retrouver le passage, nous
allons l'explorer un autre moment. Puis ensuite nous allons courir le
plus vite possible jusqu'au lac.
C'était Tristan qui avait parlé,
sa voie était claire et autoritaire. Si bien que les autres
s'éxécutèrent de suite. Lulmila passa sa tête au travers du passage, il
n'y avait plus personne. Elle sortit complétement puis remarqua qu'un
morceau de terre avait été arraché de la colline.
- C'est bon vous
pouvez sortir, et l'autre abruti a laissé une marque juste à côté de
l'entrée, on pourra la retrouver facilement, dit-elle au reste du
groupe.
Le fait qu'ils avaient de la chance était tout de même
indéniable. Ils sortirent tour à tour puis se regardèrent pendant
quelques secondes. Ils inclinèrent tous la tête au même moment puis se
mirent à courir dans la direction du lac. Ils voulaient apparemment
partir vite des collines, mais surtout ils évacuaient leur tension.
Mirna courrait de façon hystérique, sa main en sang voltigeait à
l'allure de ses jambes. Neïko retenait ses larmes mais le fait de se
défouler lui fit passer l'envie de pleurer. Tristan devait sans doute
être préoccupé par absolument tout, alors il courrait pour penser à
autre chose. Lulmila, elle, était en colère, sa rage se dissipait à
chacun de ses pas. Et moi j'étais assise à les regarder éjecter leur
émotion, j'avais envie de faire pareil, d'expier toutes mes idées noires
et malsaines. Mais aussi mes sentiments qui dirigeaient trop mes
pensées.
- Bon suite à cet événement vous êtes exceptionnellement
autorisés à rentrer chez vous, annonça la directrice interrompant du
même coup mes pensées.
Déjà que l'école n'était pas prise au
sérieux en temps normal, lors des Hunger Games c'est comme s'il n'y en
avait carrément pas. En tout cas cet après-midi les organisateurs
n'avaient sans doute pas eu le combat qu'ils avaient espérés et tant
mieux. J'étais tranquille jusqu'à la prochaine fois et je n'étais pas
impatiente. Je voulais que le temps s'arrête pour ne jamais revoir mon
frère risquer sa vie ni pour me justifier envers Adam. Une main vient se
poser sur mon épaule puis une autre, et une main dans les cheveux puis
des chuchotements d'encouragements. Pratiquement chaque élève de l'école
qui en comptait pas loin de trois cent vint m'encourager. Et enfin
quelqu'un tendit sa main devant moi, c'était Adam :
- Je te ramène ?
J'avais
hésité quelques secondes mais son sourire enjôleur ne me laissait de
toute façon pas le choix. Je pris sa main et il me raccompagna jusqu'à
chez moi sans qu'on se dise un seul mot.