Scène coupée 4 : La fille, la batte et le Quidditch
Elizabeth O’Brien adorait le Quidditch. Hugo Weasley en était parfaitement conscient, depuis le premier jour où son amie était montée sur un balais, et plus encore lorsqu’elle avait assisté pour la première fois à un match de Quidditch. La jeune fille avait beau déclarer depuis qu’elle n’aimait pas ce sport, ni aucun autre sport, d’ailleurs, Hugo ne la croyait pas. Et il avait bien raison.
Elizabeth adorait le Quidditch. Elle trouvait que ce sport correspondait parfaitement aux sorciers. Et elle aimait voler, laisser le sol loin derrière elle, effectuer quelques loopings en s’accrochant de toutes ses forces au manche de son balais. Elle adorait le Quidditch. Mais elle ne pouvait pas en faire. Ses parents, qui étaient récalcitrants à la seule idée qu’elle puisse passer dix mois dans l’année dans une école de magie, n’accepteraient jamais qu’elle pratique un sport où il fallait voler.
C’est donc à contrecœur, déchirée entre ses obligations et ce qui semblait être une passion, que Lizzie suivit Hugo jusqu’au terrain de Quidditch pour assister aux sélections de l’équipe Poufsouffle. Elizabeth était désormais en troisième année, et, depuis son arrivée à Poudlard, elle ne s’était pas fait tant d’amis que cela. Hugo Weasley, évidemment, Lysandre Scamander, toujours dans la lune mais infiniment gentil, et Abigail et Kathy, ses deux grandes amies. Les autres poufsouffle, et d’une manière plus flagrante encore les autres élèves, lui étaient parfaitement inconnus.
- Eh, Lizzie ! Merlin appelle Viviane, Merlin appelle Viviane ! s’exclama Hugo, reprenant une expression moldue d’Elizabeth tournée à sa façon.
La jeune fille leva ses yeux bleus vers son ami. Abigail pouffait à côté, comme toujours lorsque Hugo s’exprimait. Kathy secoua la tête, désespérée de voir sa camarade craquer pour le roux alors qu’il existait tant de garçons dans l’école. Elle attrapa le bras d’Elizabeth en entendant un sifflet.
- Dépêchons-nous ! Je veux voir Lysandre échouer !
- Quoi ? fit Elizabeth avec surprise. C’est pas gentil !
- Haha ! T’es vraiment trop naïve, Lizzie !
Courant presque, le quatuor arriva juste à temps pour entendre le capitaine de l’équipe Poufsouffle, André Stradivarius, annoncer qu’il remettait tous les postes en jeu cette année, même le sien. Cela fit sourire Elizabeth qui appréciait beaucoup le septième année. Il était l’exemple parfait du Poufsouffle juste et loyal que tout le monde admirait. En revanche, il était parfaitement illusoire de vouloir reprendre son poste de gardien puisque André était déjà assuré de rentrer dans une équipe professionnelle après Poudlard.
- Comme si quelqu’un pouvait être meilleur que lui, marmonna un garçon un peu plus âgé qu’Elizabeth, assis à quelques mètres du groupe dans les gradins. Va falloir que j’attende encore un an…
Il s’aperçut que la Poufsouffle le regardait et lui adressa une petite grimace amicale. Elizabeth se tourna immédiatement vers le terrain, ignorant le garçon. Kathy ne put s’empêcher de soupirer. Elle avait beau savoir qu’Elizabeth n’était pas sociale parce qu’elle avait peur d’être blessée, son empressement à s’éloigner des autres était parfois… frustrant. Comme si Elizabeth ne pouvait laisser personne s’approcher d’elle.
- Ceux qui concourent pour le poste de poursuiveurs, par ici ! On va commencer par vous !
Les six candidats s’envolèrent dans un bel ensemble. Déjà, Lizzie élimina mentalement celui qui n’osait pas regarder André au sol, apparemment terrorisé par le vide. Elle remarqua avec satisfaction que Lysandre volait très bien. Son regard était même plus concentré que lorsqu’il était avec eux. Il veut vraiment le poste, comprit Elizabeth. En se tournant vers Hugo pour discuter avec lui, elle se rendit compte que ce dernier s’était déplacé pour rejoindre Casey, un de ses amis. Mais certainement pas celui d’Elizabeth. Mal à l’aise, l’adolescente préféra se concentrer sur les sélections.
- Attrapez le souaffle et lancez-le à votre voisin ! Voilà, doucement, on n’est pas pressé !
Comme à son habitude, André lançait ses instructions avec calme. Il évaluait lentement les Poufsouffle, cherchant à déterminer qui était tétanisé par le stress, qui était doué, qui atteignait déjà son maximum. Après quelques tours d’essai, il élimina deux potentiels poursuiveurs.
- Scamander ! A toi !
Les vrais essais commençaient. André obligea Lysandre à une série d’exercices périlleux, le souaffle à la main. Il ne fallait surtout pas lâcher la balle malgré les positions compliquées. Lysandre s’en sortit bien, à deux exceptions près, où il faillit tomber. Sans lâcher le souaffle.
Toujours dans les gradins, Elizabeth se leva sans s’en rendre compte. Son visage d’ordinaire triste était animé, ses yeux balayaient le terrain à toute vitesse, évaluant les différents concurrents. Elle encourageait silencieusement Lysandre. Elle étouffa un cri en le voyant glisser de son balai mais se reprit aussitôt, Lysandre se rattrapant miraculeusement. Soulagée, Elizabeth se retourna rapidement pour partager ce moment avec ses amis. Abigail lisait un livre de métamorphose, absolument pas concernée par les sélections. Mais Kathy et Hugo regardaient tous deux Elizabeth en souriant.
- Eh ! Lizzie, tu veux pas qu’on descende les voir de plus près ?
- Non non, on va les gêner !
- Oh oui, venez on descend ! s’exclama Kathy en attrapant le bras de son amie avec un clin d’œil en direction du garçon roux.
Hugo s’empara du deuxième bras et tirant, poussant la jeune fille, ils parvinrent sur le terrain. Le jeune homme un peu plus âgé était descendu avec eux aussi, suivi de ses copains. Elizabeth évita soigneusement leur regard.
- Salut Hugo ! s’exclama André lorsque le groupe s’arrêta à son côté. Tu viens participer ?
- Non merci ! Ils sont tellement fanas de Quidditch dans ma famille, je préfère m’en tenir loin !
- Et vous, les filles ?
- Très peu pour moi, ma place est dans les gradins ! expliqua calmement Kathy.
Elizabeth déglutit. Le capitaine de l’équipe fixait sur elle son regard clair, le temps que les attrapeurs se préparent. Elle tortilla ses mains l’une contre l’autre. Elle ouvrait la bouche pour mentir quand elle reçut deux coups dans les côtes.
- Aie ! Mais ça va pas ?!
- C’est moi, la menteuse, persiffla Kathy.
- Et c’est moi qui n’aime pas jouer, asséna Hugo. Ton rôle à toi c’est d’être la gentille Lizzie qui veut participer aux sélections mais qui n’ose pas le dire.
Malgré elle, Elizabeth ne put s’empêcher de sourire. André se chargea de transmettre ses pensées :
- Mais qu’est-ce que vous faites chez les Poufsouffle ? Haha !
- Oh, la maison Serpentard c’est surfait, précisa Kathy, sang-pure d’origine russe.
- Et puis y a déjà Albus à Serpentard, fallait que je respecte la mixité en allant à Poufsouffle, enchaina Hugo avec un grand sourire.
Les quatre jeunes se mirent à rire. Puis, les attrapeurs étant prêts, André s’éloigna de quelques pas pour donner ses nouvelles instructions. Il revint rapidement vers eux.
- Ah ! Elizabeth, c’est ça ? Je n’ai pas encore fini de sélectionner les poursuiveurs mais si le poste te tente, il n’est pas trop tard. Pour le reste aussi, ceci dit !
- Même si je veux faire gardien ? demanda Lizzie en rougissant.
André s’arrêta un instant, surpris. Puis il éclata de rire.
- J’ai déjà mon remplaçant, miss, désolée !
Hugo et Kathy, de leur côté, échangèrent un regard. S’appuyant sur le rouquin, Kathy ne put retenir sa langue :
- Ma parole, Liz, c’était de l’humour ?
La poufsouffle devient rouge pivoine. Il y eut un bref silence que le capitaine rompit en éclatant de rire. Hugo arborait un grand sourire satisfait tandis que Kathy ne parvenait pas à cacher sa surprise. Et sa fierté. Sa petite Lizzie tentait de faire de l’humour ! C’était un progrès par rapport à son premier jour à Poudlard. Enfin, pensa-t-elle, il fallait relativiser : Elizabeth n’avait mis que trois ans à faire de l’humour. Peut-être un jour s’intéresserait-elle aux autres ?
- Si un poste te tente, rejoins-les ! J’ai hâte de voir ce que tu donnes sur un balai, l’humoriste !
Grommelant contre ses amis, Elizabeth tourna son regard bleu vers les potentiels joueurs. Quelques courageux attendaient d’affronter André au poste de gardien, certains à l’avance de leur défaite. Les poursuiveurs n’étaient plus que quatre, Lysandre attendait tranquillement dans les airs la suite des sélections. Un peu plus loin, les attrapeurs effectuaient un test de vitesse. Il n’y avait que trois batteurs, trois garçons costauds en cinquième et sixième année.
Inconsciemment, Elizabeth dévorait des yeux toute cette scène. Ses mains la démangeaient. En étant honnête, cinq secondes seulement, Lizzie aurait pu reconnaitre son envie d’attraper un balai pour s’envoler dans les airs à son tour. Elle aimait voler, vraiment. Mais le Quidditch était un sport d’équipe, qui nécessitait des dialogues, une cohésion dans l’équipe, et c’était aussi un sport qui coûtait cher, et ses parents ne…
- Tu penses trop. Attrape ça.
Machinalement, Elizabeth tendit la main. Ses doigts se refermèrent sur le manche d’un balai, un des vieux balais de l’école. Elle leva un regard surprit vers Hugo.
- C’est pas moi, tu l’as attrapé toute seule ! Monte dessus, maintenant.
- Mais tu crois vraiment qu’elle va t’obéir ? soupira Kathy.
- Bah oui. Je suis son guide spirituel.
Elizabeth et Kathy éclatèrent de rire. Encouragée, Lizzie se laissa aller à enjamber le balai. Après tout, elle n’avait jamais joué au Quidditch, il était impossible qu’elle soit sélectionnée. Ce n’était qu’un essai, pour découvrir, faire plaisir à ses amis. Oui, voilà, ce n’était qu’un essai. Rassurée, l’adolescente s’éleva doucement dans les airs et se mêla à la foule des joueurs.
- Désolé les gars ! s’exclama à ce moment André. Mais le poste d’attrapeur est à nouveau attribué à Isis ! Et pas seulement parce qu’elle était déjà dans l’équipe l’année dernière, vous avez vu comment elle les a écra… loyalement battus ?
Il y eut des rires dans la foule, malgré la déconvenue des concurrents de la fameuse Isis. Elizabeth elle-même était forcée de reconnaitre le talent de la sixième année. Elle avait des yeux de faucon et était prodigieuse sur un balai. Ce n’était que justifié qu’elle retrouve sa place. Au milieu du groupe, Elizabeth se demande quel poste elle devait tenter. Les essais pour les poursuiveurs n’étaient pas finis, ceux pour les batteurs n’avaient pas commencé.
Au sol, Kathy et Hugo discutaient à grands renforts de geste. André donnait ses instructions pour que les poursuiveurs soient départagés. Distraite par ses amis, Elizabeth ne rejoignit pas le groupe à temps. Elle déglutit bruyamment dans les airs, perdit un peu de l’altitude avant de remonter. Elle entendit des ricanements et rentra les épaules, baissa la tête. C’était une mauvaise idée, finalement, cela ne pouvait se solder que par un échec…
- Au tour des batteurs ! Venez me rejoindre au sol !
Surprise, Elizabeth constata qu’il ne restait plus que les trois garçons et elle. Elle descendit rapidement en direction d’André. Lysandre leva les deux pouces en l’air en lui adressant un grand sourire et elle comprit avec joie que son ami était sélectionné. Et pour le poste qu’il voulait en plus !
- On commence par Rayan et Conan, ok ? Puis Stan et Elizabeth. Vous êtes prêts ? Je lance le cognard d’entrainement !
Rayan réussit un joli coup mais Conan laissa échapper le cognard. André Stradivarius leur donna trois chances chacun avant d’éliminer Conan qui était trop lent. Ce dernier tenta de protester mais n’osa pas se ridiculiser. Il finit par s’éloigner, laissant la place à Stan et Elizabeth.
La jeune fille attrapa la lourde batte. Elle la soupesa quelques secondes. Elle était légèrement plus lourde que celle que son père utilisait pour jouer au base-ball avec elle, l’été dans le parc, avant. Quand son père lui adressait couramment la parole. Mais le poids était agréable, presque familier. Elle ressentit une sensation similaire à celle qui lui avait parcouru la main, il y a deux ans, quand elle avait saisit sa baguette pour la première fois. Elizabeth fit de courts mouvements circulaires avec pour bien la prendre en main. Quand André lâcha le cognard, elle était prête. Elle frappa la balle maligne de toutes ses forces et l’envoya loin, un peu plus à gauche que ce qu’elle aurait voulu, mais c’était un résultat honorable.
D’un seul coup, le son sembla revenir aux oreilles de Lizzie. Elle se rendit compte qu’Hugo, Kathy et même Abigail scandaient son nom en sautant sur place. Elle eut un sourire hésitant. Face à elle, André Stradivarius considérait son mètre vingt d’un air étonné, comparant l’allure de la jeune fille à celle de Stan ou Rayan, deux grands gaillards. Un sourire éclaira son visage. Si cette fille réussissait son second coup, il tenait là une carte mystère de choix.
- Deuxième essai O’Brien ! Ne la rate pas !
Serrant la batte, Elizabeth renvoya le cognard loin une fois de plus. Son coup était même meilleur, son corps s’étant habitué au poids de la batte dans sa main.
- Mes amis… il est temps d’annoncer les résultats !
André Stradivarius se tut un instant, laissant monter le suspens.
- Chez les poursuiveurs, l’équipe retrouve deux anciens membres mais accueille un nouveau, Lysandre Scamander ! Isis reste notre attrapeuse de génie ! Je reste, bien malgré moi, votre capitaine et gardien ! Et enfin, Rayan reste batteur mais nous accueillons un poids plume parmi nous, Elizabeth O’Brien !
Sous les vivats de ses amis, Lizzie faillit s’évanouir. De joie, d’étonnement ? Elle ne le savait pas. Elle avait soudain les jambes chancelantes. Elle aimait le Quidditch. Elle allait faire du Quidditch. En tant que batteuse de l’équipe de Poufsouffle. Elle eut une pensée émue pour les dimanches après-midi avec son père, à jouer au base-ball pendant que Bradley tentait d’attraper les canards du lac. Elle revoyait son père lui expliquer comment elle devait se tenir, comment elle devait frapper. Elle le voyait presque s’énerver ou se réjouir, comme avant. Elizabeth essuya rapidement une larme qui avait perlé à son œil droit. Ce n’était pas le moment de penser au passé. Il fallait plutôt s’intéresser à l’avenir. Hugo traduisit sa pensée en une phrase :
- Mais comment tu vas annoncer ça à tes parents ?
- Par hibou. Ils auront peut-être oublié d’ici cet été !
Hugo éclata de rire et attrapa son amie par les épaules.
- Elizabeth O’Brien, tu viens de faire deux fois de l’humour dans la journée et d’être sélectionnée dans l’équipe de Poufsouffle – la meilleure équipe on est bien d’accord – cette journée est à graver d’une pierre blanche !