Ce soir, il régnait dans l’air comme une senteur de peur. L’ours en moi le sentait. Les garçons et les filles ; les Chasseurs, tous avaient l’odeur. Certains comme Jazz ou Ashelia transpirait la peur, d’autres, comme Shiruka et Lily, l’angoisse, tandis qu’il émanait de Tessa un parfum de terreur. C’est avec cette pensée en tête que je me suis allongé dans mon lit, roulé en boule, cherchant la chaleur. Malgré tous mes efforts, j’étais incapable de me réchauffer. Impossible pourtant que je sois malade : mes propres pouvoirs m’en protégeait. Aucune blessure n’était irrémédiable, mon corps n’arborait aucune trace, ma peau était lisse et bronzée. Alors…
Pourquoi Tessa et tous les autres avaient-ils peur ? Pourquoi, alors que j’avais tout tenté, la chaleur et l’espoir, la joie et la quiétude, ne revenaient-ils pas en nous ? J’étais impuissant – sans mauvais jeux de mots – et je détestais ça.
Je flotte. Autour de moi, un décor de vieux films des années cinquante. Une rue mal éclairée, un corps au sol, des cris et des pleurs, une fumée de cigare, un homme qui prend la fuite. Je regarde le visage de la femme à genoux qui cache les yeux de son enfant. Je ne la connais pas, je ne me souviens déjà plus de ses traits, seuls restent ceux de l’homme étendu au sol.
Moi. Inconscient. Mort.
Est-ce que c’est un rêve ? Je n’en ai pas l’impression. Je détaille la plaie qui orne mon corps, ce corps dont je me vantais... Quand m’en vantais-je ? Je ne savais plus, déjà cette pensée m’échappait. La plaie, elle, était bien réelle. La balle avait traversé ma poitrine, arrachant mon cœur et ma vie.
Soudainement, dans un éclair blanc, tandis qu’un parfum âcre de cigare se dépose sur ma langue, j’aperçois une autre scène. Je continue de flotter, spectre immatériel, fantôme de ma vie. Je dévisage une femme que je connais bien. Une femme que j’ai aimé et que j’aime encore. Mon cœur se serre dans ma poitrine, être un fantôme ne m’empêche pas de souffrir. Tessa.
C’est elle. Vêtue de noir, blême, les yeux rouges, belle malgré tout, elle se tient droite et raide. Elle est soutenue par un homme à ses côtés que je ne connais pas. Un membre de sa famille ? Non. Cet homme ne m’inspire pas confiance, je ne veux pas qu’il touche Tessa. Pourtant, c’est bien lui qui la serre dans ses bras quand elle s’effondre, c’est lui qui embrasse ses larmes et qui l’embrasse. C’est à lui qu’elle confie en tremblant qu’elle est enceinte. De moi. D’un mort.
Je me fige. Mon esprit de fantôme tente d’analyser la situation. Je comprend juste que je ne serais jamais là pour mon enfant. Qui sera son père ? En aura-t-il un ? Tessa… Tessa me remplacera-t-elle ?
Fondu noir, je me trouve désormais dans une chambre. Je continue de flotter dans les airs, je suis toujours mort, toujours déchiré de sentiments bien vivants, toujours incapable de défendre la femme que j’aime. Immobile, je détaille la scène qui s’offre à moi. Ouvrir ou fermer les yeux, je ne sais pas, je… Je tente de briser l’immobilité qui m’emprisonne. Rendez-moi ma chaleur et la femme que j’aime !
J’abats mes poings sur la vitre invisible qui me retient. Je frappe de toutes mes forces. Tessa ! Tessa ! Ne la touche pas, imbécile ! Tu ne la mérites pas ! Je crie après l’homme qui l’entoure de ses bras, l’homme du cimetière. Il m’est familier. Je l’ai vu avant.
Je ne comprends vraiment que quand je le vois sortir un briquet.
L’homme qui fume à côté de Tessa enceinte, de Tessa abandonnée, cet homme…
C’est l’homme qui m’a assassiné et qui va épouser Tessa.
- Argh ! Assh !
Je tousse. Je m’étrangle. Je me relève du lit, je tombe au sol, je me traine péniblement jusqu’à la salle de bain. Quelle est cette odeur infâme ? Cette odeur suave et ignoble ? Pourquoi est-ce que tout le dortoir empeste-t-il… le cigare ? Je me retourne, effrayé, mais personne ne se tient derrière moi. Je suis seul dans la salle de bain. Je regarde mon reflet. Je suis pâle. Blanc comme le fantôme de mes rêves. Je regarde mes yeux, mes iris agrandis, ma peau luisante de sueur, le sang sur mon torse…
Lorsque je porte la main à la blessure, tout me revient. La balle, l’agonie, le rire de l’homme qui s’enfuit, fier d’avoir éliminé son rival, mes dernières pensées. Une bile amère me monte soudainement dans la gorge et je vide mon estomac dans les toilettes.
Ce rêve, cet homme… Ils ont voulu me prendre la personne la plus importante au monde. En repensant à Tessa dans les bras d’un autre, je crache à nouveau un flot acide.
Fait inexplicable, je suis malade pour la première fois de ma vie.
Pourquoi Tessa et tous les autres avaient-ils peur ? Pourquoi, alors que j’avais tout tenté, la chaleur et l’espoir, la joie et la quiétude, ne revenaient-ils pas en nous ? J’étais impuissant – sans mauvais jeux de mots – et je détestais ça.
Je flotte. Autour de moi, un décor de vieux films des années cinquante. Une rue mal éclairée, un corps au sol, des cris et des pleurs, une fumée de cigare, un homme qui prend la fuite. Je regarde le visage de la femme à genoux qui cache les yeux de son enfant. Je ne la connais pas, je ne me souviens déjà plus de ses traits, seuls restent ceux de l’homme étendu au sol.
Moi. Inconscient. Mort.
Est-ce que c’est un rêve ? Je n’en ai pas l’impression. Je détaille la plaie qui orne mon corps, ce corps dont je me vantais... Quand m’en vantais-je ? Je ne savais plus, déjà cette pensée m’échappait. La plaie, elle, était bien réelle. La balle avait traversé ma poitrine, arrachant mon cœur et ma vie.
Soudainement, dans un éclair blanc, tandis qu’un parfum âcre de cigare se dépose sur ma langue, j’aperçois une autre scène. Je continue de flotter, spectre immatériel, fantôme de ma vie. Je dévisage une femme que je connais bien. Une femme que j’ai aimé et que j’aime encore. Mon cœur se serre dans ma poitrine, être un fantôme ne m’empêche pas de souffrir. Tessa.
C’est elle. Vêtue de noir, blême, les yeux rouges, belle malgré tout, elle se tient droite et raide. Elle est soutenue par un homme à ses côtés que je ne connais pas. Un membre de sa famille ? Non. Cet homme ne m’inspire pas confiance, je ne veux pas qu’il touche Tessa. Pourtant, c’est bien lui qui la serre dans ses bras quand elle s’effondre, c’est lui qui embrasse ses larmes et qui l’embrasse. C’est à lui qu’elle confie en tremblant qu’elle est enceinte. De moi. D’un mort.
Je me fige. Mon esprit de fantôme tente d’analyser la situation. Je comprend juste que je ne serais jamais là pour mon enfant. Qui sera son père ? En aura-t-il un ? Tessa… Tessa me remplacera-t-elle ?
Fondu noir, je me trouve désormais dans une chambre. Je continue de flotter dans les airs, je suis toujours mort, toujours déchiré de sentiments bien vivants, toujours incapable de défendre la femme que j’aime. Immobile, je détaille la scène qui s’offre à moi. Ouvrir ou fermer les yeux, je ne sais pas, je… Je tente de briser l’immobilité qui m’emprisonne. Rendez-moi ma chaleur et la femme que j’aime !
J’abats mes poings sur la vitre invisible qui me retient. Je frappe de toutes mes forces. Tessa ! Tessa ! Ne la touche pas, imbécile ! Tu ne la mérites pas ! Je crie après l’homme qui l’entoure de ses bras, l’homme du cimetière. Il m’est familier. Je l’ai vu avant.
Je ne comprends vraiment que quand je le vois sortir un briquet.
L’homme qui fume à côté de Tessa enceinte, de Tessa abandonnée, cet homme…
C’est l’homme qui m’a assassiné et qui va épouser Tessa.
- Argh ! Assh !
Je tousse. Je m’étrangle. Je me relève du lit, je tombe au sol, je me traine péniblement jusqu’à la salle de bain. Quelle est cette odeur infâme ? Cette odeur suave et ignoble ? Pourquoi est-ce que tout le dortoir empeste-t-il… le cigare ? Je me retourne, effrayé, mais personne ne se tient derrière moi. Je suis seul dans la salle de bain. Je regarde mon reflet. Je suis pâle. Blanc comme le fantôme de mes rêves. Je regarde mes yeux, mes iris agrandis, ma peau luisante de sueur, le sang sur mon torse…
Lorsque je porte la main à la blessure, tout me revient. La balle, l’agonie, le rire de l’homme qui s’enfuit, fier d’avoir éliminé son rival, mes dernières pensées. Une bile amère me monte soudainement dans la gorge et je vide mon estomac dans les toilettes.
Ce rêve, cet homme… Ils ont voulu me prendre la personne la plus importante au monde. En repensant à Tessa dans les bras d’un autre, je crache à nouveau un flot acide.
Fait inexplicable, je suis malade pour la première fois de ma vie.