Une journée entière d'appels cristalisés entre deux cours; voilà ce qui m'avait fallu pour me calmer. J'avais facilement dissimulé toute trace de stress et d'agitation même si le reflèxe de passer le bout des doigts sur mon coeur persistait. En me couchant le soir il me fallu plusieurs minutes à caresser Embri pour me vider la tête.
- Il ne t'aime pas, me répétais-je. Oublis ça maintenant.
Je finit par me persuader moi-même et sombrais de nouveau dans l'inconscient, mon lynx lové contre ma hanche.
Me voilà à l’extérieur, loin du château, loin d’Autre Monde ; dans un endroit qui m’est inconnus. Vue de ma hauteur je dirais que j’ai dix ans. Des enfants du même âge, cinq en tout, jouent et chantent à côté de moi. Ils font une ronde en sautillant pendant que j’observe les alentours.
Nous sommes au pied d’une haute colline au sommet de laquelle se dresse un grand manoir de grosses pierres grises. Bien que nous soyons en pleine journée le ciel est sombre et de gros nuages noirs y roulent, poussés par un vent fort. Sur mes côtés ce n’est que valons herbeux d’un vert uniforme, et presque irréel, qui se courbent sous les bourrasques. Derrière moi s’élève une forêt lugubre aux arbres si serrés que seul un enfant pourrait se glisser entre les troncs. L’atmosphère est lourde, électrique. Je sent venir l’orage pourtant je reste plantée là. Une silhouette apparaît alors sur le seuil de la demeure. Elle semble un point minuscule à cette distance mais à mesure qu’elle se rapproche je voie se dessiner une femme. De grande taille, son corps mince est moulé dans une robe de velours bleu nuit. Le col carré découvre une gorge blanche sur laquelle brille un saphir éclatant dans se paysage terne. Ses cheveux, d’un noir de jaie, sont relevés en un haut chignon à l’arrière de son crâne. Avec les traits fins de son visage elle est d’une beauté époustouflante. Quand elle arrive près de moi, elle s’accroupis pour se mettre à ma hauteur et me tend une bague d’un métal gris et froid qui m’est inconnu, sur laquelle est enchâssée une pierre d’un bleu obscur. Son visage est sérieux lorsqu’elle la dépose au creux de ma paume et referme mes doigts dessus.
- Ne la perd surtout pas, me dit-elle, et ne la met jamais au doigt.
Je hoche la tête et me retourne brièvement vers les enfants qui jouent toujours. Lorsque je veut revenir face à la jeune femme, elle a disparue. Une petite fille m’appelle alors.
- Tu viens ? On va dans la forêt.
Mes yeux se posent sur les arbres resserrés et l’obscurité totale entre eux. Un frisson de peur me parcours mais je suis quand même les enfants qui s’y engagent en riant.
Je passe la première rangée d’arbre et me retourne pour apercevoir le manoir en haut de sa colline. Deux pas de plus et un bruit sourd me fait sursauter. Derrière moi, les arbres se sont refermés comme la grille d’un cachot. Aussitôt j’entends des cris et des pleurs qui font s’emballer, encore plus, mon cœur déjà affolé. L’angoisse me prend aux tripes et le stresse me rend colérique.
- Mais fermez-là ! je cris
Ma voix fluette m’enlève toute crédibilité mais les sanglots se taisent brusquement. La voix de la petite fille s’élève alors.
- C’est de ta faute tout ça, c’est à cause de la bague. Prenez-lui ! ordonne-t-elle
Je sers le bijou contre moi avant de hurler.
- Arrêtez bande de trouillard ! Sois vous vous bougez pour trouver un moyen de sortir, soit je vous tue un à un.
Je ne sais pas pourquoi je les ai menacé mais je ressent des pulsions meurtrières malgré la peur qui m’étreins. Raisonnables, ils se décident à avancer et je les suis de nouveau.
Je ne sais pas depuis combien de temps nous marchons. La noirceur de la forêt m’oppresse de plus en plus et j’ai envie de hurler. A force d’aller au hasard entre les arbres nous tombons enfin sur quelque chose d’humain. C’est une vielle cabane aux vitres brisées. Sans réfléchir, nous nous y engouffrons. Un fil pend depuis le plafond, je tir dessus. C’est l’interrupteur d’une vielle ampoule qui diffuse une lumière jaunâtre au centre de la pièce. Le silence qui règne ici est terriblement pesant. Le peu de lueur nous permet d’apercevoir une grande forme blanche et rectangulaire au fond de la cabane.
- Un frigo ! s’exclame un garçon
Ce n’est pas normal, il ne peut pas y avoir un objet aussi neuf dans ce trou sordide. Lorsque le gamin se précipite pour ouvrir, le long cri de défense qui sort de ma bouche est l’expression même de la terreur à l’état pure. Je sais ce qui va se passer.
A l’instant même où la partie du haut s’ouvre, c’est l’enfer qui s’abat sur nous. Je n’ai jamais vu un monstre aussi horrible que celui-ci. Deux énormes yeux jaunes, un museau immense, des crocs comme des poignards d’entre lesquels s’échappe une salive mousseuse et nauséabonde. Les pattes avant peuvent être qualifiées de bras disproportionnés avec de grandes mains affublées d’épaisses griffes longues comme mes avant bras et couvert d’une crasse dont je ne veux pas connaître la composition. Le garçon qui a ouvert n’a pas le temps de crier, la gueule béante s’abat sur lui et se referme dans un craquement d’os et une giclée de sang. Les autres pleurs et gémissent de terreur tandis qu’ils assistent à la disparition de leur ami avalé en une fois. Ils sont collés aux murs, moi je suis plantée au milieu de la pièce, pétrifiée de peur, les yeux exorbités et la bouche ouverte sur un cri muet. Il y a du sang partout, le démon tourne ses yeux vers moi.
- La bague, grogne-t-il
J’ai envie de vomir. Dans son horrible voix grinçante on entend le gargouillement du sang qui lui est resté dans la gorge. Un hurlement bref m’échappe lorsqu’il sort complètement de la partie supérieure du réfrigérateur et se laisse tomber sur le sol. La fin de son corps se termine par une sorte de tourbillon de chaire, recouvert des mêmes poils gris et sales qui recouvrent la tête. Il se déplace seulement à la force de ses étranges bras. Ma nausée s’intensifie et se mêle à ma terreur ; c’est l’odeur de la mort, celle des membres en décomposition que je sens. Il se met en mouvement à une vitesse qu’on ne lui croirait pas possible. La distance qui nous sépare a beau être courte, elle me semble faire des kilomètres tant je suis horrifiée. Il me dégoûte et sa façon de se mouvoir encore plus. Un long hurlement s’échappe de ma gorge lorsqu’il fond sur moi, sa gueule aux relents de sang et de pourriture s’ouvre, j’entrevois les limbes et la plus horrible des morts…
Je hurle, encore et encore. Je me redresse comme un diable qui sort de sa boite et me jette hors du lit, bousculant Embri ettrébuchant dans les rideaux de mon baldaquin que je n’ai pas pris le temps d’ouvrir. En vitesse, je gagne la salle de bain pour y vomir tout ce que je peux.
Vidée, je me laisse tomber sur le carrelage froid des toilettes, pâle et tremblante comme jamais je ne l’ai été. Si j’avais été humaine, la sueur aurait trempée le short et le tee-shirt qui me servent de pyjama. Je ne peux plus, ne veux plus, bouger ni dormir. C’est le deuxième cauchemar en deux jours, je commence à avoir peur du noir. Au moment où j’ai cette pensée, la lumière s’éteint. Un cri aigu de panique m’échappe. Fébrile, j’incante un Luminus. J’ai soudain une pensée soudain pour Nina que j’ai dû réveiller, ou même Cowell. J’ai tellement mal à la gorge que j’ai du hurler à m’en arracher les poumons.
Pour une fois je mets toute fierté de côté et ne désir que voir un visage familier, n’importe qui, tout en sachant parfaitement qu’en plein milieu de la nuit ce n’est pas possible.
- Il ne t'aime pas, me répétais-je. Oublis ça maintenant.
Je finit par me persuader moi-même et sombrais de nouveau dans l'inconscient, mon lynx lové contre ma hanche.
Me voilà à l’extérieur, loin du château, loin d’Autre Monde ; dans un endroit qui m’est inconnus. Vue de ma hauteur je dirais que j’ai dix ans. Des enfants du même âge, cinq en tout, jouent et chantent à côté de moi. Ils font une ronde en sautillant pendant que j’observe les alentours.
Nous sommes au pied d’une haute colline au sommet de laquelle se dresse un grand manoir de grosses pierres grises. Bien que nous soyons en pleine journée le ciel est sombre et de gros nuages noirs y roulent, poussés par un vent fort. Sur mes côtés ce n’est que valons herbeux d’un vert uniforme, et presque irréel, qui se courbent sous les bourrasques. Derrière moi s’élève une forêt lugubre aux arbres si serrés que seul un enfant pourrait se glisser entre les troncs. L’atmosphère est lourde, électrique. Je sent venir l’orage pourtant je reste plantée là. Une silhouette apparaît alors sur le seuil de la demeure. Elle semble un point minuscule à cette distance mais à mesure qu’elle se rapproche je voie se dessiner une femme. De grande taille, son corps mince est moulé dans une robe de velours bleu nuit. Le col carré découvre une gorge blanche sur laquelle brille un saphir éclatant dans se paysage terne. Ses cheveux, d’un noir de jaie, sont relevés en un haut chignon à l’arrière de son crâne. Avec les traits fins de son visage elle est d’une beauté époustouflante. Quand elle arrive près de moi, elle s’accroupis pour se mettre à ma hauteur et me tend une bague d’un métal gris et froid qui m’est inconnu, sur laquelle est enchâssée une pierre d’un bleu obscur. Son visage est sérieux lorsqu’elle la dépose au creux de ma paume et referme mes doigts dessus.
- Ne la perd surtout pas, me dit-elle, et ne la met jamais au doigt.
Je hoche la tête et me retourne brièvement vers les enfants qui jouent toujours. Lorsque je veut revenir face à la jeune femme, elle a disparue. Une petite fille m’appelle alors.
- Tu viens ? On va dans la forêt.
Mes yeux se posent sur les arbres resserrés et l’obscurité totale entre eux. Un frisson de peur me parcours mais je suis quand même les enfants qui s’y engagent en riant.
Je passe la première rangée d’arbre et me retourne pour apercevoir le manoir en haut de sa colline. Deux pas de plus et un bruit sourd me fait sursauter. Derrière moi, les arbres se sont refermés comme la grille d’un cachot. Aussitôt j’entends des cris et des pleurs qui font s’emballer, encore plus, mon cœur déjà affolé. L’angoisse me prend aux tripes et le stresse me rend colérique.
- Mais fermez-là ! je cris
Ma voix fluette m’enlève toute crédibilité mais les sanglots se taisent brusquement. La voix de la petite fille s’élève alors.
- C’est de ta faute tout ça, c’est à cause de la bague. Prenez-lui ! ordonne-t-elle
Je sers le bijou contre moi avant de hurler.
- Arrêtez bande de trouillard ! Sois vous vous bougez pour trouver un moyen de sortir, soit je vous tue un à un.
Je ne sais pas pourquoi je les ai menacé mais je ressent des pulsions meurtrières malgré la peur qui m’étreins. Raisonnables, ils se décident à avancer et je les suis de nouveau.
Je ne sais pas depuis combien de temps nous marchons. La noirceur de la forêt m’oppresse de plus en plus et j’ai envie de hurler. A force d’aller au hasard entre les arbres nous tombons enfin sur quelque chose d’humain. C’est une vielle cabane aux vitres brisées. Sans réfléchir, nous nous y engouffrons. Un fil pend depuis le plafond, je tir dessus. C’est l’interrupteur d’une vielle ampoule qui diffuse une lumière jaunâtre au centre de la pièce. Le silence qui règne ici est terriblement pesant. Le peu de lueur nous permet d’apercevoir une grande forme blanche et rectangulaire au fond de la cabane.
- Un frigo ! s’exclame un garçon
Ce n’est pas normal, il ne peut pas y avoir un objet aussi neuf dans ce trou sordide. Lorsque le gamin se précipite pour ouvrir, le long cri de défense qui sort de ma bouche est l’expression même de la terreur à l’état pure. Je sais ce qui va se passer.
A l’instant même où la partie du haut s’ouvre, c’est l’enfer qui s’abat sur nous. Je n’ai jamais vu un monstre aussi horrible que celui-ci. Deux énormes yeux jaunes, un museau immense, des crocs comme des poignards d’entre lesquels s’échappe une salive mousseuse et nauséabonde. Les pattes avant peuvent être qualifiées de bras disproportionnés avec de grandes mains affublées d’épaisses griffes longues comme mes avant bras et couvert d’une crasse dont je ne veux pas connaître la composition. Le garçon qui a ouvert n’a pas le temps de crier, la gueule béante s’abat sur lui et se referme dans un craquement d’os et une giclée de sang. Les autres pleurs et gémissent de terreur tandis qu’ils assistent à la disparition de leur ami avalé en une fois. Ils sont collés aux murs, moi je suis plantée au milieu de la pièce, pétrifiée de peur, les yeux exorbités et la bouche ouverte sur un cri muet. Il y a du sang partout, le démon tourne ses yeux vers moi.
- La bague, grogne-t-il
J’ai envie de vomir. Dans son horrible voix grinçante on entend le gargouillement du sang qui lui est resté dans la gorge. Un hurlement bref m’échappe lorsqu’il sort complètement de la partie supérieure du réfrigérateur et se laisse tomber sur le sol. La fin de son corps se termine par une sorte de tourbillon de chaire, recouvert des mêmes poils gris et sales qui recouvrent la tête. Il se déplace seulement à la force de ses étranges bras. Ma nausée s’intensifie et se mêle à ma terreur ; c’est l’odeur de la mort, celle des membres en décomposition que je sens. Il se met en mouvement à une vitesse qu’on ne lui croirait pas possible. La distance qui nous sépare a beau être courte, elle me semble faire des kilomètres tant je suis horrifiée. Il me dégoûte et sa façon de se mouvoir encore plus. Un long hurlement s’échappe de ma gorge lorsqu’il fond sur moi, sa gueule aux relents de sang et de pourriture s’ouvre, j’entrevois les limbes et la plus horrible des morts…
Je hurle, encore et encore. Je me redresse comme un diable qui sort de sa boite et me jette hors du lit, bousculant Embri ettrébuchant dans les rideaux de mon baldaquin que je n’ai pas pris le temps d’ouvrir. En vitesse, je gagne la salle de bain pour y vomir tout ce que je peux.
Vidée, je me laisse tomber sur le carrelage froid des toilettes, pâle et tremblante comme jamais je ne l’ai été. Si j’avais été humaine, la sueur aurait trempée le short et le tee-shirt qui me servent de pyjama. Je ne peux plus, ne veux plus, bouger ni dormir. C’est le deuxième cauchemar en deux jours, je commence à avoir peur du noir. Au moment où j’ai cette pensée, la lumière s’éteint. Un cri aigu de panique m’échappe. Fébrile, j’incante un Luminus. J’ai soudain une pensée soudain pour Nina que j’ai dû réveiller, ou même Cowell. J’ai tellement mal à la gorge que j’ai du hurler à m’en arracher les poumons.
Pour une fois je mets toute fierté de côté et ne désir que voir un visage familier, n’importe qui, tout en sachant parfaitement qu’en plein milieu de la nuit ce n’est pas possible.